Chaque saison théâtrale réserve ses surprises, qui sont le sel et le poivre sur la table du théâtre : collaborations hors normes, spectacles exceptionnellement brillants ou exécrables s'accompagnant de la polémique correspondante, et bien sûr les nouveaux convives à la table. La Compagnie De Koe – l'ensemble de Peter Van den Eede – a présenté en septembre 2000 le collectif SKaGeN, récemment constitué à l'époque, un groupe de jeunes diplômés de la formation de théâtre de Dora van der Groen à Anvers, avec son spectacle de fin d'études applaudi IO. (Skagen est le nom de la pointe septentrionale du Danemark, où s'entrechoquent la mer Baltique et la Mer du Nord. C'est donc un symbole du mouvement, des contrecourants et des rencontres effervescentes.)

IO (à lire comme les chiffres binaires I et O), est un « soap-opéra médical ». Des travaux de construction et des restructurations approfondies touchent le personnel médical d'un hôpital où se pose un problème d'espace aigu et cumulatif à la fois : le manque de place s'accompagne d'une aggravation linéaire du chaos spatial. Le personnel est entassé dans la « salle de réunion provisoire ». La situation devient de plus en plus confuse et cette confusion gagne les protagonistes : en fait, qui prend toutes ces décisions radicales ? Où se cache ce monstre de bureaucratie ? Y a-t-il une menace d'inspection ? Ou est-ce que tout se passe uniquement dans leur tête ? Le stress et la tension se font ressentir, le comportement des médecins se fait de plus en plus bizarre.

IO établit des rapports croisés entre l'univers médical et le monde de l'architecture. Les créateurs ont surtout puisé leur inspiration dans la série The Kingdom du cinéaste danois Lars Von Trier, qui a un hôpital pour cadre. Ce résultat d'un travail d'assemblage est un collage d'humour noir composé de dialogues écrits par le collectif et de dialogues tirés du Décalogue de Kieslowski, de Congo de Paul Pourveur, d'American Psycho d'Ellis et d'articles scientifiques. Tout cela a été monté dans un « esprit soap » ; une touche réaliste suscite donc une impression de familiarité, tout en justifiant un grossissement comique de cette réalité. Le titre fait référence au biotope mis en place par SKaGeN dans cette pièce, un environnement où les émotions et actions humaines sont analysées dans toutes leurs composantes mesurables. Mais ce qui ne peut pas être mesuré vient s'y faufiler par une fascinante petite porte