Dans la presse (10)
Dans la presse (10)
Le Figaro, Armelle Héliot (5/10/2018)
Artistik Rezo, Emilie Darlier-Bournat (4/10/2018)
Scèneweb, Vincent Bouquet (4/10/2018)
Les Soirées de Paris, Isabelle Fauvel (2/10/2018)
Rue du Théâtre, Noël Tinazzi (2/10/2018)
La Dépèche, Pascal Alquier (18/3/2017)
Poésie dadaïste
Les Soirées de Paris, Isabelle Fauvel (2/10/2018)

Comme presque chaque automne depuis plus de quinze ans maintenant, les voici de retour, nos amis flamands et néerlandais, les tgSTAN et leurs complices. Grands habitués du Festival d’Automne et du Théâtre de la Bastille, et depuis trois saisons également de la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne, ils ne cessent de nous étonner en nous offrant des spectacles hors normes, sur le ton décalé qui leur est propre. Cette année, ils reviennent en force pouvons-nous dire avec trois spectacles : “Infidèles” et “Après la répétition”, deux réalisations en hommage à Ingmar Bergman, et “Atelier”, une réflexion des plus débridées sur la création.

Dans le cadre du Festival d’Automne, les compagnies tg STAN, De KOE, et Maatschappij Discordia, les deux premières, flamandes, et la troisième, néerlandaise, se retrouvent pour présenter “Atelier”, un spectacle totalement déjanté qui mêle humour et réflexion autour de la création artistique. Si l’on pouvait considérer “Onomatopée”, leur précédent spectacle, comme un “ovni théâtral”, “Atelier” va encore plus loin dans le débordement.

Le principe fondateur même du collectif tg STAN évoqué par son nom – S(top) T(hinking) A(bout) N(ames) – est le refus absolu de tout dogmatisme et le rejet d’une expérimentation formelle aliénante. La place centrale de l’acteur au cœur du processus créatif se substituant au pouvoir dirigiste d’un metteur en scène, l’abolition du quatrième mur, le recours à un langage très naturel proche de l’improvisation et l’adresse directe au public sont les principales caractéristiques de leur démarche.

“Tout est calme” de Thomas Bernhard (2002), “My dinner with André” (2005) d’après le film de Louis Malle, “Sauve qui peut, pas mal comme titre” à nouveau de Thomas Bernhard (2007),), “Le Chemin solitaire” d’Arthur Schnitzler (2009), “Les Estivants” de Maxime Gorki (2012), “ Qui a peur de Virginia Woolf ?” d’Edward Albee (2008) ? “Outrage au public” de Peter Handke (2011), “Onomatopée” (2015), “Art” de Yasmina Reza (2017) … autant de spectacles d’une grande originalité montés par ces différents collectifs aux valeurs communes.

Si dans “Onomatopée”, il était notamment question du vide du langage, du “parler pour ne rien dire”-, de la difficulté de communiquer avec les mots, de l’existence d’autres formes de communication, “Atelier” va plus loin en supprimant tout langage verbal. Il s’agit, cette fois, d’un spectacle muet où les acteurs habituellement si bavards se refusent à prononcer un seul mot. Absence du verbe donc, sauf à la toute fin via un enregistrement sonore.

Dans un dispositif bifrontal à la jauge réduite, sur un petit bout de scène, les acteurs construisent à l’aide de cagettes en plastique et de longues planches en bois noir une deuxième scène tout en longueur et encore plus réduite, espace de leur atelier de création, lieu de toutes leurs inventions et expérimentations, plus rocambolesques les unes que les autres. Diverses et variées, elles ne souffrent d’aucun interdit, ayant apparemment pour seules limites… la bienséance.

L’atelier ou l’antre de la création. Atelier de l’artisan (menuisier ou soudeur, quel qu’il soit…), de l’artiste (peintre, plasticien, architecte…), laboratoire du chimiste, de l’alchimiste…. tel est aussi celui du comédien qui cherche et prépare son rôle. L’artiste doit aller dans toutes les directions, tout s’autoriser, tenter, emprunter de nombreux chemins, ne pas hésiter à se tromper avant de trouver son personnage. L’atelier avant la scène et que ne résonnent les trois coups du brigadier…

Nos trois hurluberlus multiplient donc avec entrain les expériences, utilisant un nombre stupéfiant d’accessoires et d’ustensiles divers et variés, dans un bric-à-brac inimaginable, transformant très vite leur lieu de travail, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, en un incroyable capharnaüm.

Le jeu des comédiens est on ne peut plus physique. Ils se donnent totalement, sans retenue, avec une belle complicité, n’hésitant pas à se salir et à se couvrir de peinture. Et s’ils évoluent avec une dextérité qui force l’admiration dans un véritable foutoir – vous nous pardonnerez l’expression –, le désordre est, en réalité, totalement contrôlé, l’improvisation maîtrisée et la chorégraphie savamment orchestrée.

Pour réussir cette prouesse, il faut bien évidemment du talent, mais aussi une belle dose d’humour, voire de folie, et nous savons depuis longtemps que Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede et Matthias De Koning sont loin d’en manquer.

L’accompagnement musical revêt ici aussi toute son importance et, tout particulièrement, la partition de Zbigniew Preisner composée pour “La double vie de Véronique”, faisant de ce spectacle un véritable moment de poésie dadaïste.

Alors, comme nous le disions déjà pour “Onomatopée”, si les spectacles “décalés” attisent votre curiosité, si vous aimez être bousculés dans vos habitudes théâtrales, n’hésitez pas à tenter l’expérience !

http://www.lessoireesdeparis.com/wp-content/uploads/2018/10/Atelier-Peter-Van-den-Eede-©Jorn-Heijdenrijk.jpg