Dans la presse (10)
Dans la presse (10)
Le Figaro, Armelle Héliot (5/10/2018)
Artistik Rezo, Emilie Darlier-Bournat (4/10/2018)
Scèneweb, Vincent Bouquet (4/10/2018)
Les Soirées de Paris, Isabelle Fauvel (2/10/2018)
Rue du Théâtre, Noël Tinazzi (2/10/2018)
La Dépèche, Pascal Alquier (18/3/2017)
Quand les Flamands s'envolent
Le Figaro, Armelle Héliot (5/10/2018)

CHRONIQUE Sans un mot, les comédiens des collectifs tg Stan, de Koe et Maatschappij Discordia nous font entrer avec émotion dans leur « Atelier ».

Ils sont sérieux comme des papes. Ou plutôt comme des enfants, concentrés sur des tâches dont le sens échappe aux adultes, mais qui les occupent aussi intensément que si leur vie en dépendait. Ils sont trois. On les connaît. Ils ont la maturité d'une vie sur les planches qui les a régulièrement conduits à Paris, le plus souvent pour notre plus grand plaisir.

Ils sont trois et chacun appartient à un collectif original, belge ou néerlandais de nationalité, mais flamand de culture et d'imagination. Matthias de Koning, physique tout en nerfs, lunettes sur le nez, regard perçant, est le cofondateur, dès 1981, de Maatschappij Discordia (Entreprise et/ou société Discorde !). La philosophie du groupe tient au travail intense à la table et à peu de répétitions.
Ils ont été pionniers dans l'art de démolir le quatrième mur. Et parfois le reste... Damiaan De Schrijver, lui, opulent et barbu, oeil qui frise, malicieux, a cofondé tg Stan (pour, rappelons-le, « Stop Thinking about Names ») en 1989. Quant à Peter Van den Eede, mince, visage aigu, il fut, avec Bas Tekken, lui aussi issu du conservatoire d'Anvers, créateur de De Koe (la Vache), en 1989, avec au coeur la taraudante question : « Pourquoi faisons-nous du théâtre ? »

C'est un peu celle de cet Atelier où le public est invité à s'installer. Dans la grande salle complètement transformée, une vaste table de régie, deux volées de gradins se font face de part et d'autre d'un espace rectangulaire assez encombré. Au fond, un meuble avec des accessoires qui serviront au fur et à mesure du déroulement du « spectacle ». Mais, en fait, les objets surgissent de tous côtés.

Nos Flamands s'interrogent sur l'exercice de leur art. Pas seulement le « pourquoi », mais aussi le « comment ». Et ici, c'est bien simple, ils jettent des planches sur des caisses renversées. Ils construisent leur scène. Ce « plancher divin » cher à Mallarmé n'est bientôt plus que le pont d'un bateau ivre sur lequel les trois amis tanguent dangereusement.

Citations picturales

Pas de texte : ici, le mot, c'est le geste, et ils s'y entendent. Le fatras qu'ils accumulent renvoie à des citations picturales, musicales, littéraires, philosophiques, mais rien qui interdise le rire, le sourire, l'émotion, que l'on repère ou non ces allusions. C'est qu'ils sont diablement cultivés, ces enfants de collectifs. Diderot guide leurs pas, et on n'oublie pas l'extraordinaire Du serment de l'écrivain, du roi et de Diderot que tg Stan présenta ici même, à la Bastille, en 2001.

Le plus mystérieux dans cette cérémonie étrange qui a des airs de récréation foutraque mais où la précision d'orfèvre est essentielle, c'est que le temps passe à toute allure. Sans un mot. Sans que l'on comprenne tout. Sans que l'on soit toujours convaincu. Sans qu'eux-mêmes donnent le sentiment de savoir où ils vont ! C'est le génie flamand au meilleur de son intelligence.

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