Dans la presse (10)
Dans la presse (10)
Le Figaro, Armelle Héliot (5/10/2018)
Artistik Rezo, Emilie Darlier-Bournat (4/10/2018)
Scèneweb, Vincent Bouquet (4/10/2018)
Les Soirées de Paris, Isabelle Fauvel (2/10/2018)
Rue du Théâtre, Noël Tinazzi (2/10/2018)
La Dépèche, Pascal Alquier (18/3/2017)
tg STAN et consorts mettent le théâtre en chantier
Scèneweb, Vincent Bouquet (4/10/2018)

Dans leur nouvelle « polycoproduction », le collectif flamand et ses deux acolytes, de KOE et Maatschappij discordia, tentent de mettre sur pieds un atelier pour comédien. Aux confins du burlesque et de l’absurde, ce délire doux-dingue navigue souvent à vue.

On connait bien les ateliers du peintre et du sculpteur, la chambre du poète ou le gueuloir du romancier – pour les plus flaubertiens d’entre eux – mais qu’en est-il du comédien ? A quoi ressemble l’antichambre créative de cet artiste, celle d’avant la scène, d’avant les trois coups qui symbolisent, ou ont longtemps symbolisé, l’entrée dans la fameuse magie du théâtre ? Dans leur nouvelle « polycoproduction », les collectifs belgo-néerlandais tg STAN, de KOE et Maatschappij discordia ouvrent ce chantier, au sens propre comme au figuré.

Pour briser les représentations scéniques auxquels les spectateurs sont habitués, la grande salle du Théâtre de la Bastille est déstructurée et réorganisée de fond en comble. Dans un dispositif en bi-frontal, les traditionnels fauteuils rouges ont cédé leur place à des gradins spartiates, l’habituelle scène à des piles de cagettes en plastique. Une fois le plancher reconstitué et les lattes en bois tant bien que mal assemblées, l’espace fait de bric et de broc se transforme en un immense territoire d’expérimentations à l’état brut. Tels des savants théâtraux fous ou des pieds-nickelés du bricolage, Matthias de Koning, Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede s’affairent pour construire, avec les maigres moyens du bord, ce qui doit en théorie donner naissance à l’illusion théâtrale. Au gré de ses bouffées créatives, le trio se met à bâtir une porte, à enjoliver ses costumes, à apprivoiser des accessoires incongrus – un plat de moules-frites, un urinoir, un homard en plastique – ou à se cultiver en lisant de très gros livres, tout en écoutant la radio ou en regardant distraitement une partie de billard.

Dans la droite lignée d’Onomatopée, leur précédent spectacle commun présenté il y a tout juste trois ans dans ce même Théâtre de la Bastille, l’entreprise engendre un gigantesque chaos dont l’objectif final est difficilement perceptible. Entre écriture de plateau et pure improvisation, le spectacle entièrement muet joue avec cet environnement précaire qui produit, naturellement, un déséquilibre permanent. Pris dans un délire doux-dingue qui vire parfois à la performance entre copains, les comédiens se complaisent dans un univers burlesque qui, aussi drôle soit-il, ne parvient jamais vraiment à créer une once de poétique.

Pour autant, lorsqu’ils profitent des imprévus scéniques qui surviennent immanquablement dans ce capharnaüm théâtral, tel un mauvais fantôme vengeur, lorsque leurs penchants aussi loufoques qu’étranges prennent le dessus et les poussent à lâcher la bride, leur agitation fiévreuse produit alors quelques étincelles en mesure d’allumer un feu créateur. Emmené par un Damiaan De Schrijver drolatique en persécuteur malicieux de ses petits camarades, le trio semble en mesure de revenir à une préhistoire du théâtre, à une forme d’artisanat où les échecs cuisants peuvent être tout aussi féconds que les succès relatifs.

https://sceneweb.fr/atelier-une-production-stan-de-koe-et-maatschappij-discordia/